Né en 1955 à Reims
Depuis près de trente ans, Jean-Luc Moulène produit un travail singulier et inclassable, questionnant sans cesse son propre statut. Dans les années 1990, il réalise des photographies d’objets. Il y appose un regard clinique et impersonnel, dont la série Disjonctions est représentative. C’est par les Objets de grève, série photographique recensant les détournements de l’outil de production par les ouvriers, que l’artiste accède à la notoriété. À la fin des années 1990, la sculpture, l’installation et le dessin font leur apparition. S’opposant aux représentations esthétisantes, Moulène développe une recherche formelle empreinte d’ironie et d’humour. Ses objets improbables, à l’instar de ses assemblages issus d’un processus d’érosion ou de ses sculptures nées d’une modélisation en trois dimensions, s’agencent tel un cabinet de curiosités à la fois cryptique et fantasque.
L’artiste consacre une première série de photographies dédiée exclusivement aux objets en 1999. Produits par des travailleurs en lutte, les Objets de grève, sont premièrement collectés, puis photographiés par Jean-Luc Moulène. Ces 40 objets, récoltés par l’artiste, sont issus du travail des ouvriers grévistes durant des périodes d’occupation d’usine, ils se distinguent ainsi des produits manufacturés classiques de par leur forme, leur condition de fabrication mais également de par leur fonction au sein de la lutte. L’objet acquiert de nouvelles charges symboliques en valorisant le travail et l’autonomie de l’ouvrier, il valorise les savoir-faire, mais devient également le vecteur d’une communication autour de la lutte et le moyen de la financer. La double action de l’artiste apporte également une nouvelle couche significative à ces objets, premièrement en les collectant et en les confiant aux Archives Nationales, ils acquièrent une dimension archiviste, historique et anthropologique. Il en fait des oeuvres photographiques, qui ont été acquises par le Centre Georges Pompidou, et entrant ainsi dans les Collections Nationales Françaises. La poêle des 17 de Manufrance fait alors référence aux dix-sept syndicalistes et gestionnaires qui ont tenté de sauver Manufrance et de préserver l’emploi en créant une coopérative ouvrière en 1984. Dans l’obligation de déposer le bilan en avril 1985, les 17 “Manu” sont condamnés en juillet 1992 à 26 ans d’emprisonnement par le Tribunal Correctionnel de Saint-Etienne. La poêle Manufrance est créée par la CGT en mars 1993 en soutien financier aux condamnés, devenant ainsi un appel à la relaxe en vue du procès la même année, qui s’est conclu par la relaxe de quatorze personnes et l’amnistie des trois autres.