> Objets Modestes
Lycée Michelet de Vanves

Erwin Wurm
One minute sculptures
1997-1998

> Textes écrits par la classe de Seconde 11 du Lycée Michelet de Vanves

 

 

Le pot de fleurs

 

Créé à partir de terre, il peut accueillir sa collègue la fleur. Qu’il soit grand, petit, fin ou large, il est peu onéreux et visuellement basique. Cependant il peut être orné de dessins ou de graphismes, à moins qu’il ne se dissimule dans un cache-pot coloré de résine, de pierre ou de bois.
Mais s’il se casse ou s’il gèle, il en sera fini de lui.
RM

 

La trousse

 

C’est une simple pochette qui peut être de n’importe quelle couleur ou de n’importe quelle forme. Elle s’use au cours du temps, vieillit, s’abime et change de couleur au fil des années. On peut la décorer à notre goût en dessinant ou en écrivant dessus. Mais elle sert surtout à ranger des choses à l’intérieur.
Elles sont toutes différentes, mais ont toutes un point en commun : une fermeture éclair. Ce peut être une trousse d’écolier, ou une trousse à maquillage, ou encore une trousse à outils. Tu peux tout mettre dedans. Elle et pratique et transportable. Mais elle ne sert plus à rien si sa fermeture éclair se casse.
BB

 

L’échelle

 

Plus je grimpe à l’échelle, plus je vois haut et loin. Elle emmène au paradis ceux qui l’escaladent, tandis que ceux qui passent dessous seront entrainés en enfer. Elle entraîne sur des sommets vertigineux ou bien vers des souterrains obscurs. Son métal est un fer de très bonne qualité, très résistant. Sa peau brille aux yeux de ceux qui l’approchent. L’échelle donne la liberté car rien n’est plus agréable que d’atteindre les hauteurs pour prendre l’air pur et s’évader. La rouille incrustée dans quelques joints du métal l’embellit et lui fait des taches de rousseur qui se multiplient quand la pluie entre en contact avec elle.
JC

 

Le sèche-cheveux

 

O toi , maître du vent qui nous chauffes et nous réchauffes,
Toi qui aspires l’air putride tout autour de toi pour ensuite le relâcher purifié et adouci afin que nous puisions nous en délecter,
Toi dont le seul et unique devoir est d’assécher notre humidité sans pour autant nous brûler,
Nous t’adorons et te vénérons, toi dont le destin cruel est de rester accroché à un point fixe pour d’exercer ton pouvoir sur le flux des vents.
GM

 

Le stylo

 

Si j’écris, alors mon stylo dessine avec volupté un trait arrondi et cambré d’une nuance bleutée autant contemporain qu’intemporel.
Le stylo remplace le passage d’un crayon à papier ténébreux comme la brume est remplacée par un soleil d’été. Mon stylo me fait voyager: le temps du cours, j’inverse le cours du temps. Quand le stylo n’écrit pas il entoure, quand il n’entoure pas il souligne. Il ne s’interrompt jamais, il ne s’arrête qu’une fois le travail accompli. Ce qu’il fait, il le fait bien ou il ne le fait pas.
Des stylos, il en existe des grands, des petits, des beaux, des vilains, des bleus, des rouges, à plume ou à encre mais tous ont une même capacité : ils sauvegardent le passé et aident à nous souvenir, pour écrire un futur radieux. Une fois l’encre dessinée sur la feuille blanche, j’attends qu’elle sèche autant que j’attends la naissance des astres.
MC

 

L’éventail

 

Accessoire qui n’as d’utilité que l’été, tu déploies tes multiples ailes pour nous rafraîchir, puis en un instant tu te replies pour ne prendre qu’une petite place. Pratique pendant la période estivale, tu nous délivres de cette chaleur accablante et oppressante.
Accessoire mystérieux qui nous caches une de ses faces en permanence, tu t’ouvres comme un paon incroyablement élégant. Fait de papier ou de tissu plus ou moins précieux, tu me procures une vague de soulagement immédiat en mordant l’air de tes grandes dents inoffensives.
Accessoire apprécié par les enfants car facile à fabriquer, on te crée à partir d’une simple feuille de papier, en te tordant puis en te retordant dans un sens et puis dans l’autre comme une vulgaire cocotte en papier. Mais tu es bien plus qu’un misérable origami !
Tu incarnes le raffinement, ô éventail ! Tu proviens d’Asie et nous es parvenu au fil des siècles par les routes marchandes.
Tu brasses l’air délicatement comme un oiseau splendide prenant son envol. Tu envoies sur mon visage une brise légère et en fermant les yeux, je me retrouve en pleine mer face aux vagues translucides et à l’horizon infini.
M.D

 

Le stylo

 

Écrire des lignes parfaites, parfaites sans fautes orthographes, tel est son job. Pour les plus timides, c’est aussi un moyen de s’exprimer. Ce qui est pratique avec lui, c’est qu’à l’inverse de l’oral, on écrit. On en trouve même avec une plume. Depuis des décennies, il est utilisé pour écrire des livres, comme par Baudelaire, Zola ou Victor Hugo. Tout ça grâce à lui: le stylo. D’un joli mouvement de poignet, ton tracé nous sublime.
Il est toujours là dans les épreuves les plus dures, je parle bien sûr des contrôles, toujours présent depuis la maternelle où on apprend à écrire.
Bref, mon ami de toujours, merci !
RF

 

Le réveil

 

C’est un assemblage de métal, qui de par sa grande puissance sonore, peut faire disparaître les rêves les plus profonds. Souvent dénigré, cet appareil strident, qui pourrait en faire pâlir plus d’un, sauve bien des paresseux qui tardent à échapper au sommeil. Que ce soit ce vieux réveil de médiocre qualité, ou ce tout nouveau modèle, il reste un portail entre deux mondes opposés.
Malgré son métal rouillé et son système abîmé, il trône fièrement sur son piédestal aux côtés de l’homme endormi durant le périple qu’est la nuit. Même au fil des années, sa puissance ne prend pas une ride, sa lugubre mélodie retentit tous les matins comme le glaçant début de la journée. Cependant, tâchez de ne pas lui manquer de respect, son mécanisme rusé pourrait se dérégler et retentir pendant vos folies nocturnes ou bien choisir de se taire jusqu’à l’arrivée du crépuscule.
Tremblez dormeurs, votre doux sommeil va s’achever, un jour nouveau s’apprête à recommencer.
AD

 

Le lit

 

Déshabille-toi et allonge-toi confortablement sur ton lit. Dans une chambre, le lit est indispensable et majestueux, il y a tellement à en dire que j’en perds déjà mes mots.
Il ne faut pas choisir n’importe quel lit, il faut choisir votre lit, celui où vous vous sentirez le plus à l’aise possible. Alors quand vous vous réveillerez le matin, vous ne serez plus dans le même sens que quand vous vous êtes endormi. Et vous direz : « Ah ! J’ai passé une merveilleuse nuit ! »
Il est là à tout moment, un peu comme un meilleur ami, mais silencieux.
Il est là quand vous êtes fatigué après une dure journée, pour une sieste d’une ou deux heures, mais aussi quand vous êtes au plus mal et que vous avez besoin d’un moment de solitude, un moment où vous voulez vous enfermer sur vous-même. Vous serez là, allongé sur votre lit à penser à des millions de choses.
Le lit est comme une extension de vous-même, car il vous emmène dans un autre monde, il vous fait rêver et parfois vous fait faire des cauchemars. Mais malgré tout, le lit est le meilleur des remèdes.
OD-A

 

Le stylo

 

La tête en bas, il laisse couler son encre ; la bille qui lui sert de nez en déterminera la forme.
C’est en exerçant une pression suffisante que son jus noir pourra sublimer une feuille trop blanche. Son couvre chef est trop souvent absent. Lorsque le temps passe lentement, je le démonte et le remonte, je l’analyse : un ressort, une mine, de l’encre…
Le stylo peut être bavard, parfois trop, il se met à baver et son encre se libère sans la moindre réflexion en coulures dépourvues de sens. Les stylos dont je suis je plus proche sont défigurés à force d’avoir été ruminés. Sur certains d’entre eux un simple bouton permet de faire sortir la mine, un système ingénieux pour un si simple objet. Un stylo qui écrit est un stylo en bonne santé.
ICJ

 

Le sucre

 

Au fond du placard de la cuisine,
Se trouve un petit bocal simple et peu utilisé
Et pourtant si indispensable.
O sable blanc qui rends doux le baiser,
Quand on ouvre ta douce prison,
Tu t’envoles comme une petite neige de printemps.
Tu nous épates dans nos pâtisseries,
Un grand chef te saupoudre pour finir sa création.
A l’origine tu proviens d’une plante, la canne ou la racine.
L’usine des humains te transforme,
En petits cubes à déposer dans le café,
Tu changes de couleur comme un petit caméléon pour un goût corsé.
En poudre blanche tu fais sourire les enfants
Lors des fêtes, dans les crêpes et les gaufrettes.
Tu réconfortes les gens tristes,
Les nourrissant copieusement,
Lors d’une petite pause entre le déjeuner et le dîner.
Tu es un goût qu’on ne peut oublier.
O sable blanc,
Tu es si sucré que je fonds de plaisir.
AD

 

Le stylo

 

Mes doigts aiment jouer avec toi, mon cher ami le stylo. Tu m’aides, par ton encre qui diffuse les mots, à rendre hommage à une pauvre feuille vierge.
Léger ami d’écriture, que j’aime te cajoler de mes doigts gourmands !
Tu es, avec la nature de Dieu, la source de mon inspiration au-delà des mots que tu ne peux prononcer, mais que tu écris.
Malgré ta froide apparence, alors que tous ne veulent que le plus beau ou le plus précieux, tu es pour mon âme d’artiste un véritable partenaire et tu aimes que je te garde dans un endroit choisi et confortable. Lorsque je n’ai pas besoin de tes services tu pleures à fendre l’âme.
Lorsque ton encre s’est vidée sur toutes les feuilles que nous avons embellies, je fais mon deuil, m’étant aussi vidée de mon sang.
Il me faut du temps !
Mon âme d’artiste cherche dans les rayons celui qui devra te remplacer, mon cher ami… mon stylo.
On se retrouvera dans le jardin paradisiaque des artistes.
AMD

 

Le canapé

 

Toi, le canapé acheté à Emmaüs il y a une vingtaine d’années, qui tiens le coup au beau milieu de notre salon, que tout le monde adore et qui accueilles à bras ouvert tout visiteur ressentant le besoin de poser son fessier, tu es spacieux, moelleux, miteux, réconfortant. M’asseoir sur toi et fermer les yeux suscite le rêve et m’apaise, comme si je me laissais tomber sur un énorme nuage. Alors pour faire de ma vie un rêve, je passe tout mon temps assise sur toi à méditer, à regarder la télévision, à faire mes devoirs, à manger, à dormir et bien plus encore.
Certes tu es abîmé, ton cuir est taché et troué partout à cause de Felix, le gros chat, celui qui passe aussi une grande partie de ses journées à somnoler sur ton cuir à l’odeur prenante. Tu es le genre d’objet qui donne envie à la jeunesse d’arrêter de travailler et de se faire entretenir par l’État.
Tu es le mal et le bien.
WE

 

Mon lit

 

Mon lit est un endroit confortable, on peut y être seul ou à deux. C’est un endroit où l’on se sent bien et qui laisse place à la rêverie lorsque l’on s’allonge et qu’on ferme les yeux. Parfois il fait office de canapé et même de bureau, car on peut regarder la télévision calmement, bien installé, et également y faire ses devoirs. Lorsqu’on le voit à première vue, il paraît froid, recouvert de ses draps blancs, mais en réalité il renferme une forte chaleur humaine.
Mon lit est devenu un objet du quotidien car sans lui je ne pourrais pas dormir aussi bien la nuit. Le matin il est pénible pour moi de lui dire au revoir et de me séparer de lui, mais mon réveil m’y oblige et je dois en sortir. C’est dans ces moments que je me sens le mieux, comme dans un nuage, quand j’éteins l’alarme et que je me dis «encore dix minutes». Pour finir si je devais choisir un seul objet dans ma chambre, ce serait lui.
AB

 

L’aspirateur

 

Lorsque les saletés courent au sol, l’aspirateur les poursuit, les rattrape et derrière lui ne laisse
rien qu’un humble sol propre. Ainsi, notre air est allégé de cette brume encombrante.
L’aspirateur est bénéfique pour nos poumons qui inspirent cet air, désormais libéré de ces particules, un air élégant, transparent qui garantit notre santé.
L’aspirateur danse sur une mélodie parfois affligeante à nos oreilles mais efficace quand disparaissent les nuages gris.
L’aspirateur nous charme, nous entraîne dans la valse d’une splendeur réparatrice. Il nous rend heureux de vivre dans une demeure purifiée, un foyer aussi propre que la propreté elle-même.
LD

 

L’éponge

 

L’éponge a une double personnalité: à la foi douce et piquante, elle peut posséder différentes
courbes, souvent voluptueuses.
Elle s’imbibe d’eau à n’en plus pouvoir, pour au final être entortillée, afin d’être essorée.
Elle retrouve alors sa corpulence de base.
Une fois prête à l’action, le liquide vaisselle coulant sur elle, elle se met à se frotter sans répit pour combattre la crasse. Ses capacités magiques à effacer les saletés causées par les hommes sont
incroyables. Le frottement entre l’éponge et l’objet souillé crée une mousse grandiose, qui fusionne avec cette merveille.
Elle est réutilisable de très nombreuses fois, car elle est courageuse et se bat sans fin.
L’éponge est méprisée, mais c’est une sauveteuse.
JA

 

La gomme

 

La gomme lisse et douce glisse en souplesse dans la trousse…
Frictionnée sur le crayon, elle en efface les erreurs, et laisse sur son passage des petites pelures.
Gomme magique.
Son enveloppe la protège des agressions des crayons affûtés.
Accessible en différentes couleurs, elle joue avec son côté métallique mais échoue sur l’encre trop résistante.
CT

 

Le crayon New-Yorkais

 

C’est un simple crayon à papier, un souvenir que mes amies m’ont rapporté de New York. Sa mine est souple, ni trop sèche, ni trop grasse, parfaite pour inscrire sur le papier les courbes de mes pensées. La petite gomme ronde à son extrémité est si douce que j’ai plaisir à caresser, pour effacer les traits grossiers, ma feuille. Le petit morceau de métal qui fait tenir cette gomme délicate est assez singulier. Strié, brillant et troué, il donne au crayon un aspect précieux. Mais ce crayon est éphémère. Au fur et à mesure que je le taille, les décors s’effacent, il rapetisse et devient de plus en plus difficile à tenir entre mes doigts. Le crayon vieillit, le temps le taille, l’âge l’affaiblit. La mine à l’intérieur a été cassée plus d’une fois. Il est tombé, s’est brisé, a été tué, mais a toujours été ramassé. Et malgré ses blessures, je continue de dessiner avec ce crayon, cet ami, celui qui me permet de hurler ma souffrance ou ma joie sur les pages d’un cahier.
Ce crayon n’est pas un objet. Comme je l’ai dit, c’est un double objet. Crayon et gomme, immeuble new-yorkais sur la façade, il a tout pour plaire.
Moi seule sais qu’à l’intérieur de cet objet, la mine est cassée, mon crayon est blessé. A nous
deux, nous arrivons à créer, des croquis, des paysages, des rêve. Je sais qu’un jour il me faudra le remplacer, par un de ces crayons bic verts, fiers et bon marché. Mais jamais aucun d’eux n’aura une jolie gomme au bout, de si bonne qualité.
Et même si ce crayon finira par mourir, il laissera, sur mes carnets, la trace de son existence et de notre belle amitié.
MG

 

Le canard

 

Depuis des décennies il fait partie intégrante du quotidien, à la télévision, sur papier ou au format numérique.
Il engourdit l’esprit des écervelés et des fatigués.
Il aiguise l’esprit critique des clairvoyants et des attentifs.
Le journal peut être sportif, économique, médiateur culturel, jeune, vieux, mais il peut aussi servir à allumer le feu, à recueillir des épluchures et des déchets. Parfois jeté, froissé, parfois vénéré, encadré, il lui arrive d’être opprimé, muselé lorsqu’il est controversé car il exprime ce qui doit être tu.
Agent de propagande sous certains régimes, il conditionne les esprits et manipule les populations, avec des insinuations dans lesquelles les mots sont choisis avec subtilité pour, sous couvert d’information, faire passer une opinion.
LM

 

Un crayon presque parfait

 

C’est un crayon 2H, ni trop gras ni trop sec. Il est flambant neuf. Sa prise en main est excellente et son trait d’une finesse digne des plus grands crayons.
Je ne m’en lasserai jamais : la couleur de son gris est sans imperfection. Plus je l’utilise et plus j’ai l’impression que la mine se taille toute seule, ce crayon ne s’use pas, ne ce casse pas et le tracé gommé ne laisse aucune trace.
Comment ne pas aimer écrire ou dessiner avec lui?
Franchement comment peut-on passer à côté d’un tel objet ?
Ses frères ne sont que du charbon dans du bois, face à lui. La nuit je rêve que ce crayon m’aide à dessiner sur la lune et à ombrer les astres. Je le vois courir sur le papier, il n’a presque pas besoin d’une main pour tenir, son équilibre est parfait.
Cela me fait presque peur, alors depuis quelque temps je n’y touche plus. Et étrangement moins je l’utilise et plus il se dégrade. Sa mine s’aplatit à vue d’œil. Je comprends enfin, ce n’est pas le crayon qui me faisait vivre, mais c’est moi qui le faisais vivre.
AP

 

Ma femme

 

Chaque soir en sortant du travail je pense à ma femme, à ses formes voluptueuses et au plaisir  qu’elle me procurera une fois rentré.
Chaque soir je m’impatiente de retrouver son réconfort ultime. Entre nous, toute discussion est inutile, seuls les sentiments que nous éprouvons et le contact de nos deux corps comptent. Bien qu’elle soit enveloppée, ses rondeurs souples séduisent et attirent.
Chaque soir je la redécouvre comme si c’était la première fois. En 10 ans de couple, jamais je ne me suis lassé ou jamais je n’ai pensé à une autre.
Sa peau de nuage me plonge dans un rêve éternel. La seule chose plus frustrante que l’impatience de la retrouver c’est l’obligation de la quitter tous les matins. Si je le pouvais, je la roulerais et je l’emporterais sous mon bras partout avec moi, mais le matelas m’en voudrait !
AZ

 

Le stylo

 

Fait d’une coque de plastique rigide, de bois ou de métal, en bleu ou en rouge, en noir ou en vert, seul ou en comité de quatre, c’est un outil qui subit les caprices d’entités aux allures supérieures.
Sa silhouette longiligne, idéale quand on le tient, devient une extension de nos corps qui nous emporte sur la mer de l’imagination, comme une de ces rames faites par Homère qui ramena Ulysse chez lui.
Doté d’une plume ou d’une bille, il reste pour les écrivains un trésor qui ouvre les portes de la création et permet d’effleurer la puissance divine.
Peu importe sa forme, sa taille ou son état, il assure sa fonction et obéit, quitte à se faire mâchonner la tête lorsque l’imagination cède le pas à l’impatience.
Enfermé dans une trousse ou reposant sur un bureau, il n’attend que l’action sinon son âme séchera en son cœur refroidi comme un de ces livres oubliés par le temps et qu’il avait pourtant écrits.
AK

 

Brosse à dents

 

Coiffée de tes pics fins et délicats, tu caresses le palais de ma bouche. Telle une bourrasque
hivernale, tu rafraîchis et tu blanchis le peuple de mes dents. Cette fraîcheur y rend l’air plus
respirable, et offre comme une sensation de libération.
Tu m’enchantes, me ravis, je reprends goût à la vie car tu m’autorises le sourire. Tu crées, avec ton chapeau mentholé, une avalanche à la fois piquante et apaisante.
Hélas, comme à ton habitude, tu bulles toute la journée.
Pendant des heures tu te pavanes…en attendant l’événement du jour, le moment tant attendu
de ta tâche quotidienne.
L’hiver passé, les gencives rosâtres se vivifient dans la denture de mon royaume que tu frôles, que tu caresses, puis sur laquelle tu t’acharnes avec une frénésie acharnée.
Tout est écarlate, le vent est passé.
YL

 

La mousse du bonheur

 

En ouvrant mon réfrigérateur, je vois une mousse au chocolat.
C’est la dernière, l’unique et la plus belle des mousses au chocolat. D’une main impatiente, je m’en empare.
La sensation est merveilleuse. Elle a le pouvoir de rendre heureux n’importe qui, le pouvoir de faire sourire le monde entier. Dans ce pot en plastique se trouve la mousse du bonheur. Quand on la mange, chocolat, blanc en neige, beurre et sucre deviennent confus et se mêlent. Dans la bouche elle se réduit en bouillie. Mais c’est ce côté fondant qui donne à la mousse au chocolat toute sa saveur.
Après une dure journée, je l’ai bien méritée, mais qui aurait cru que le réconfort se trouvait dans un pot en plastique ?
JT

 

La brosse à cheveux

 

Si mes cheveux glissent entre les piques de celle-ci, s’ils osent s’y frotter, ils n’en sortiront
que dépouillés de toute forme de sauvagerie que ce soit.
Plus la chevelure est longue, plus le brossage est conflictuel, pourtant le résultat est sans
appel.
Les nœuds disparaissent de votre cuir chevelu, votre crinière sèche et ébouriffée devient
rapidement soyeuse et domptée. La brosse maîtrise toutes sortes de problèmes capillaires, elle
apprivoisera vos cheveux aussi rebelles qu’ils soient.
Elle domestique tous les entrelacements de votre crâne, même les plus téméraires. La brosse, cette brosse, votre brosse dressera vos sauvages cheveux, et vous permettra de passer des journées apprêtées.
LV

 

Le café

 

Le soleil se lève, réveille-toi et sors donc deux petites tasses. Il est temps d’oublier les malheurs de la veille. Presse la miraculeuse poudre brune et ajoutes-y de l’eau, enfin la flamme allumée, rassieds-toi deux minutes.
Entends-tu ces petits gargouillements et clapotements incessants ? Sens-tu ce doux parfum légèrement fruité ? Ouvre bien tes yeux à présent, vois-tu ce merveilleux élixir couler doucement ?
Et maintenant c’est le moment tant attendu : goûte donc cet exquis breuvage. Porte tes lèvres à la tasse et laisse toi emporter par ce goût si puissant et corsé. Laisse ton esprit glisser, flotter et se pavaner sur ce parfait mélange. Seul le vrai, l’ultime, l’unique café peut donner cette somptueuse et alléchante boisson.
Le soleil se lève à peine que déjà sa puissante odeur chatouille les narines. Une simple gorgée égaye la journée. Qu’il soit brésilien, colombien ou péruvien, il n’est jamais trop bon pour les papilles enivrées. Imagine ces petits grains bruns torréfiés se brouiller tout lentement et donner à ta maison un parfum embaumé. Il se mélange avec tout mais peut-être mieux vaut-il le boire seul qu’accompagné.
ES

 

La peinture jaune

 

Liquide et luisante, ses flots gluants s’emparant des sillons du plancher, elle envahit l’espace de sa présence colorée. Comme une bête sauvage, libérée elle provoque la panique, elle infiltre coins et recoins, profitant de la fuite de son oppressant public et ouvre un peu partout des soleils difformes. De sa beauté compacte elle couvre les toiles et les murs, s’agrippant avec ardeur à ces parois verticales, semblant craindre une chute de ses vives écailles, mais c’est sur le sol, renversée, qu’elle reprend le pouvoir, faisant fuir les Hommes loin de son emprise collante et de sa lumineuse pesanteur.
Vive comme une abeille, déesse des pissenlits, la peinture jaune recouvre les esprits et les toiles, et en séchant emprisonne sous sa croûte des vestiges effrités, cache-misère d’or modeste et de volupté.
Epaisse comme une soupe nourrissante pour les yeux, y plonger les mains pour en répandre un peu partout les postillons est un plaisir sans égal, de l’ordre du sacré. On ne répand plus la sainte parole mais l’heureuse peinture, et la couleur se répandant sur le monde y fait pousser des tableaux peints en plein air.
La voilà soudain qui tombe du pinceau sur un brin d’herbe qu’elle tue, l’étouffant aussitôt, conservant en séchant son fossile léger dans un moulage intemporel, marquant définitivement la rétine de sa rieuse vivacité.
SAM

 

La peinture noire

 

Toi, peinture noire que ferais-je sans toi ? Que tu sois noir de jais ou noir corbeau, tu es aussi
belle qu’une nuit où la lune est vaincue.
Simple, voire chic, tu n’es pas aussi excentrique que le jaune. En parlant de lui d’ailleurs, tu es la seule qui lui donnes de l’éclat et le mette en valeur. Tu es humble et modeste car toutes les couleurs qui sont proches de toi, tu les révèles au détriment de ta propre beauté qui passe souvent inaperçue.  Même si tu es sombre et que tu sembles mauvaise et ténébreuse, il n’y a pas mieux que toi pour exalter la pureté du blanc.
Mais tu ne te bornes pas à ces contrastes, tu donnes aussi de la profondeur par les ombres, sans lesquelles tout ce que je peindrais serait plat et sans vie.
O peinture noire, que ferais-je sans toi ?
FC

 

Le poulet

 

C’est une sorte de petite autruche qu’on installe délicatement dans un appareil plutôt chaud.
Il y a beaucoup à dire à propos du poulet.
Un poulet pas cuit, certes ce n’est pas joli à voir, mais quand il sort du spa, il devient majestueux, magnifique, exceptionnel. Sa coloration dorée nous émerveille, son odeur nous envoûte, sa tête nous effraye, sa cuisson nous met à l’écoute.
Cette petite boule au fumet appétissant, on le retrouve un peu partout. A l’est, à l’ouest, au nord, au sud, on retrouvera toujours cette bête tendre comme si elle nous suivait.
Certains d’entre nous souhaiteraient parfois y échapper mais c’est impensable.
Le poulet exerce sur nous une sorte d’emprise.
SW

 

Ticket de métro

 

Il y a beaucoup à dire sur ce bout de papier qui n’en est pas un.
Rien n’est semblable à un ticket de métro, il me fait bouger dans la capitale. En passant par les Tuileries, la Concorde et la rue du Bac, il me promène dans tous les recoins de Paris en un rien de temps.
Certains n’en ont pas besoin, et jubilent de pouvoir s’en passer alors qu’il est pour moi une indispensable source de liberté.
Vagabondant sur le quai, le tenant bien en main, j’ai peur qu’il ne m’échappe et file entre mes doigts. Certes ce n’est qu’un papier rectangulaire, mais connaissez-vous un papier qui vous fait voyager ?
Sous la terre ou au dehors, sur des rails ou sur des pavés, à plusieurs trajets il me donne l’accès.
Une fois arrivé à destination, je le récupère à la sortie de la machine. Il est un pass pour la liberté, une sorte d’invitation au voyage.
ALB

 

Maître du temps

 

C’est une horloge des plus basiques, ronde, accrochée dans la cuisine. Son infernal tic-tac me rendra folle mais il est le chef d’orchestre de ma journée. Elle est la déesse du temps, elle contrôle à quel moment nous devons manger, dormir ou nous lever, elle nous gouverne.
Elle me guette du haut de son mur en raccourcissant ma vie à chaque seconde.
Elle ne fait que répéter sans cesse le même mouvement de rotation avec de simples aiguilles et pourtant elle nous est indispensable au quotidien.
Chaque jour on se questionne sur ce qu’elle affiche.
Autrefois c’était le soleil qui nous guidait, puis elle l’a détrôné de son titre de maître du temps, c’est désormais à elle de nous dire l’heure et la date où nous quittons cette vie.
MM

 

L’éponge

 

Un objet simple. Modeste. Mais avec de grandes particularités !
Naturelle, douce, rugueuse ou moelleuse, l’éponge est sans doute l’élément de la cuisine le plus important. Avec le temps, elles sont synthétisées en d’affreuses éponges vertes et jaunes. C’est dommage car elles ne nettoient pas mieux que les naturelles….
On pourrait dire que les éponges ressemblent à la lune. Et même à un morceau de fromage en raison des petits trous qui sont à l’intérieur.
L’éponge est considérée comme un objet modeste mais d’un autre côté c’est un objet sacré car elle provient de la nature, de la mer.
Et puis… en plus d’être douce, rugueuse et moelleuse, c’est un objet utile. On ne pourrait pas nettoyer nos assiettes si les éponges n’existaient pas !
MV

 

Le pinceau

 

Le pinceau, que ce soit pour peindre des toiles ou des murs, à l’aquarelle, la gouache ou l’acrylique, ou bien le visage et le corps avec du blush, du fard ou du fond de teint, excelle toujours dans ces réalisations enjouées ou tristes, profondes ou légères, sobres ou originales, simples ou complexes, colorées ou ternes.
Il permet, d’une simple touche, de donner vie à un tableau vide ou de réveiller le visage d’un pauvre malade ébranlé. Il embellit tout, permet aux vieilles choses de paraître neuves et aux neuves de se démarquer.
Qu’il ait un manche de bois ou de plastique, des poils naturels ou synthétiques, en brosse ou à pointe souple, biseauté ou kabuki, il vous convaincra et prendra place dans votre quotidien. D’un filet d’eau et d’un simple coup de savon, la matière est évaporée et le pinceau prêt à être utilisé.
Avec lui on peut appliquer avec netteté les textures compliquées et proprement les textures baveuses, faire des taches esthétiques, un noir aux millions de reflets, ou un rouge profond bien qu’uni.
Le pinceau apporte une nouvelle dimension à chaque support. Bien qu’il ne puisse pas être utilisé seul, il est indispensable et reste plus important que la matière qu’il travaille.
Bien que modeste, il est exceptionnel.
OL-L

 

Ode à la tasse

 

Ô belle tasse pleine de café ou de thé !
Tasse en céramique qu’on aime embrasser à toute heure de la journée,
dans la salle à manger, au comptoir ou à la terrasse d’un café.
Toi, belle tasse vernie dont la peau lisse et douce, rend le baiser agréable.
Et toi qui de ta blancheur pure et éclatante, illumine la journée.
Mais attention, elle est sensible !
La laisser tomber lui brisera le cœur en mille morceaux.
I.J